Savez-vous repérer ces 10 erreurs de raisonnement?

By | 11 juin 2010

la_mort_de_socrates En dialectique (l’art de raisonner par le dialogue), il arrive souvent que l’un ou l’autre des deux interlocuteurs essaie de prendre le dessus en utilisant une illusion logique. Le raisonnement semble correct, mais il est faux. Par exemple : “Il est borgne, donc c’est un bandit”.

Lorsque cette erreur de raisonnement est utilisée intentionnellement comme un stratagème pour prouver qu’on a raison, on appelle cela un sophisme. Mais on peut aussi le nommer paralogisme si c’est involontaire.

Dans la liste qui suit, nous allons voir 10 erreurs de raisonnement parmi les plus courantes. On pourra ainsi plus facilement repérer les incohérences dans les discours politiques, les messages publicitaires ou tout simplement nos discussions quotidiennes :

1. L’appel à l’autorité

L’appel à l’autorité est un stratagème où l’on utilise une autorité pour prouver que ce que l’on dit est vrai. Tel professeur ou tel chercheur a dit cela, donc étant donnée son expérience, il doit avoir raison. Seulement l’argument n’est légitime que dans les conditions suivantes :

  • On parle bien d’un des domaines de compétence de la personne
  • La personne est suffisamment expérimentée dans le sujet en question
  • Les experts du domaine s’accordent sur le sujet (ce n’est pas un sujet qui divise la communauté)
  • La personne n’est pas dépendante d’une influence externe (pas de conflit d’intérêt)
  • Le domaine de compétence est légitime (les prophéties d’une voyante n’ont jamais rien prouvé)
  • La personne est clairement identifiée (on ne peut pas accorder de crédit à une affirmation vague telle que : “les experts sont unanimes“)

On notera cependant que même si toutes ces conditions sont réunies, la parole d’un expert reste toujours soumise à l’erreur humaine.

Exemples :

  • Le régime minceur 804 est très efficace. Il a été conçu par un phytonutritiologue.
  • Ca c’est un trèfle à quatre feuilles magique : le Dalaï Lama l’a béni de ses propres mains.
  • Sir Arthur Conan Doyle croyait aux fées, tu vois bien qu’elles existent!

2. L’appel à la popularité

L’appel à la popularité consiste à  affirmer que quelque chose est vrai simplement parce que beaucoup de gens le croient. Pourtant l’Histoire nous montre que l’humanité s’est maintes et maintes fois trompée. On croyait autrefois que la Terre est plate, que le Soleil tourne autour de nous, ou que nous ne supporterions pas de nous déplacer à plus de 40 kilomètres à l’heure.

Ce type de “raisonnement” est souvent convainquant à cause de notre instinct grégaire. En tant qu’animaux sociaux, la plupart des hommes tendent à suivre la masse comme des moutons de Panurge.

Exemples :

  • 85% de la population mondiale croit à l’existence d’un être supérieur omniscient, cela prouve bien que Dieu existe!
  • Tout le monde utilise le produit X, il est donc indéniable que le produit X est le meilleur du marché.

3. La généralisation hâtive

La généralisation hâtive consiste à déduire une vérité à partir des propriétés d’un échantillon trop petit pour être représentatif de l’ensemble des cas.

Beaucoup de gens la commettent parce qu’ils sont trop feignants pour trouver un échantillon représentatif, ou bien parce qu’ils ont des préjugés. Ainsi un misogyne prendra le fait qu’une femme a eu un accident de voiture comme une preuve que les femmes en général ne savent pas conduire.

Exemples :

  • La semaine dernière je me suis fait piquer mon portefeuille en Italie. Ah ces italiens, tous des voleurs!
  • Si je crois au réchauffement climatique? Mon oeil! Cette année à Moscou nous avons eu le pire hiver depuis 50 ans!
  • Marc est en vacances en Angleterre. En arrivant, il voit deux lapins albinos gambader dans un parc. Dans la lettre à ses parents, il écrit donc que les lapins anglais sont tous blancs.

4. Le faux dilemme

L’interlocuteur nous fait croire à tort qu’il n’y a que deux possibilités. Si l’une d’elle est fausse, l’autre doit donc forcément être vraie.

Pour s’en prémunir, il suffit de citer d’autres possibilités.

Exemples :

  • Soit tu es avec nous, soit tu es contre nous (on peut aussi être neutre)
  • Soit nous renforçons les forces en Iraq, soit nous avons perdu la guerre contre le terrorisme (il y a d’autres manières de gagner la guerre contre le terrorisme)

5. L’homme de paille

Il consiste à remplacer ce qu’a dit l’interlocuteur par un argument beaucoup plus faible. Ainsi on gagne des points en attaquant cette version plus facilement réfutable. Mais tout comme il n’est pas bien difficile de mettre KO un homme de paille, faire face à un argument déformé n’est pas non plus très impressionnant.

Exemples :

  • Vous ne voulez pas mettre au point ce programme de construction de porte-avions? Je ne comprends pas pourquoi vous voulez laisser notre pays sans défense.
  • Tu crois à l’évolution? Alors d’après toi ton arrière grand père était un gorille?

6. La pente glissante

Le principe de la pente glissante consiste à dénoncer une action sous le prétexte qu’elle provoquerait un résultat catastrophique par l’enchaînement des événements qu’elle cause. Mais si cet enchaînement n’est pas rationnel, l’argument est fallacieux.

Exemples :

  • Vous voulez censurer ce baiser entre deux hommes? Si ça continue les acteurs ne pourront même plus jouer des personnages homosexuels!
  • Vous voulez augmenter les quotas de chasse au Kangourou? Ce sera quoi ensuite? Les koalas, les diables de Tasmanie, les marsupiaux et toutes les espèces phares de l’Australie?

7. Deux faux donnent un vrai

Il consiste à justifier un comportement sous prétexte que d’autres font la même chose, ou pire. Très utilisé par les je-m’en-foutistes de tout poil.

Exemples :

  • Pourquoi devrait-on acheter des véhicules plus économes en carburant? Les américains sont les premiers consommateurs de pétrole et malgré la hausse des prix ils continuent à acheter de grosses voitures.
  • On ne jette pas son chewing gum par terre! Mais maman regarde Julie elle a  bien jeté son chewing gum elle!
  • Pourquoi je dirais à la caissière qu’elle a oublié de me compter le paquet de cigarettes? Si j’avais payé trop, elle l’aurait mis dans sa poche.

8. Confondre synchronicité et causalité

Cette erreur de raisonnement assume une relation de cause à effet entre deux événements simplement parce qu’ils arrivent au même moment. Par exemple : “j’ai cassé un miroir, et je me suis cassé la jambe le même jour; je n’aurais jamais dû casser ce miroir”. C’est ainsi que naissent les superstitions : on tire une conclusion d’une coïncidence alors que bien d’autres variables sont en jeu.

Pour éviter ce genre d’erreur, le mieux est de renouveler l’expérience en faisant varier au maximum les paramètres. Par exemple pour prouver que la cigarette provoque le cancer du poumon, on peut regarder si les gens qui arrêtent tôt ont moins de chance d’avoir un cancer du poumon, ou vérifier que l’utilisation de cigarettes non filtrées augmente ce risque, etc.

Autres exemples :

  • Pendant les années 90, la participation aux cultes religieux a augmenté ainsi que la prise de drogues. Pratiquer une religion favorise donc la toxicomanie!
  • La plupart des violeurs lisaient des revues pornographiques étant adolescents. Cela prouve bien que la pornographie déclenche des comportements de violence envers les femmes.
  • Hier soir j’ai mis une casquette et deux femmes sont venues me parler. Elle doit vraiment bien m’aller cette casquette!

9. Le hareng fumé

On dit que les prisonniers en fuite avaient coutume de laisser des harengs fumés derrière eux pour détourner de leur but les chiens qui les pistaient. C’est ce même principe qui est utilisé ici : on introduit un sujet hors de propos dans le seul but de dévier vers un sujet plus facile à traiter.

Exemples :

  • -Caroline, n’oublies pas de faire tes devoirs!
    -Tu as vu : y’a le chat qui lave la vitre avec sa patte
  • Nous devrions rendre plus stricte les admissions à l’Université. Les budgets sont serrés et nous ne pouvons pas admettre de réduire les salaires.

10. L’attaque contre la personne

Cette erreur de raisonnement consiste à attaquer la personne au lieu d’analyser et de contredire ses arguments. Les gens qui croient aux théories paranormales s’en servent pour dénigrer les sceptiques en disant qu’ils n’ont pas l’esprit ouvert. Les sceptiques quant à eux contre attaquent en disant à l’amateur d’OVNIS qu’il faut être stupide pour y croire.

Le terme Empoisonner le puit est également employé pour désigner une autre forme d’attaque contre la personne. Elle consiste à discréditer une personne en insinuant qu’elle possède un trait abjecte, ou qu’elle est affiliée à des personnes ou des croyances fausses ou impopulaires.

Exemples :

  • Puisque Tom Cruise adhère à la scientologie, il ne peut être qu’un acteur minable.
  • Tu ne peux pas critiquer mon blog puisque tu n’es même pas blogueur toi-même.
  • Elle ment comme elle respire, c’est évident! Comment pouvez-vous croire au témoignage d’une prostituée?

Pour aller plus loin

Si vous voulez avoir plus de détails sur les erreurs de raisonnement, voici quelques liens qui pourraient vous intéresser :

[fr] Le petit cours d’auto-défense intellectuelle (livre dispo sur Amazon.fr)

[fr] L’art d’avoir toujours raison (livre dispo sur Amazon.fr)

[fr] Charlatans.info : erreurs de raisonnement et illusions logiques

[en] Fallacy files

[en] The Nizkor Project : Fallacies 

22 thoughts on “Savez-vous repérer ces 10 erreurs de raisonnement?

  1. MonaLisa leBonheurPourlesNuls

    Je viens de comprendre pourquoi je fuis tout type de débat depuis quelques années. Discuter avec quelqu’un qui veut avoir raison est épuisant et chronophage.
    La parole est tellement trompeuse… Et le sophisme est le mensonge de la logique.

    Charles Nodier disait : “Il y a quelque chose de plus vil au monde que l’esclave d’un tyran, c’est la dupe d’un sophisme.”

    Alors merci de nous aider avec cet article à ne pas se faire duper !

  2. Alexandre Post author

    @Monalisa : Jolie citation! C’est vrai que ça peut être épuisant, mais c’est aussi formateur. Le plus beau c’est quand quelqu’un déjoue un à un les sophismes d’une personne rodée à ce type de stratagèmes!

  3. Yoann Romano

    Je rejoins Mona Lisa, certes les débats d’idées sont toujours intéressants, mais argumenter avec quelqu’un qui ne laisse pas de place à la remise en cause ou au questionnement est ennuyant. C’est aussi l’une des raisons pour lesquelles j’ai pour point d’honneur de ne JAMAIS parler politique entre amis, j’ai constaté beaucoup trop de sectarisme.

    En tout cas merci pour cette synthèse, ce mémo me servira, et je m’y prendrai à deux fois pour répondre aux détracteurs 🙂

    Yoann

  4. Pingback: www.fuzz.fr

  5. khrys

    Perso, j’adore ces dicussions epuisantes et chronophages. Pratiquement quel que soit le sujet. Et pour faire suer mon “adversaire” de rhetorique, je suis pret a defendre tous les demons. Par pure provocation. En utilisant les memes stratagemes que l’autre. Pour a la fin lui faire comprendre que soit son raisonnement n’est pas logique, soit il a tort.
    Un raisonnement illogiue, ca se repare si c’est involontaire. Quand c’est volontaire, ca vous donne une bonne idee quoi penser de cette personne.
    En revanche, j’ai toujours eu un mal fou avec ceux qui ne savent qu’utiliser la violence lorsqu’ils n’ont plus d’argumetns.

  6. Olivier Leroux

    Excellent !

    Très intéressant.
    Je pense q’il serait pas mal de faire un article sur l’inverse : les éléments fiable pour déterminer la crédibilité d’un argument.

    Qu’en penses-tu ?

    Olivier Leroux

  7. Faysal Hafidi

    Salut tout le monde,

    Moi aussi j’aime la rhétorique. C’est un bon exercice des muscles du cerveau et de communication.

    Le souci est que parfois, on utilise nous mêmes ces techniques pour nous convaincre de faire ou de ne pas faire certaines choses et détourner notre instinct ou notre esprit logique. Nous les utilisons aussi pour trouver quelques excuses lorsqu’on ne veut pas sortir de notre zone de confort.

    C’est marrant lorsqu’on se surprend entrain de nous convaincre d’un raisonnement dans l’apparence logique mais qui est complètement faux ! Mais quelqu’un part dans le fond, on le sait toujours 😉

  8. Greg

    A part les 2 premiers qui sont des faits, les autres points sortent de ton imagination et on aurait pu en inventer plein d’autres comme ca… Article pourri.

  9. Faysal Hafidi

    @Greg : tu n’es ni philosophe ni spécialiste en rhétorique, tu ne peux pas donc juger !
    😉

  10. Chlorophylienne

    Je me dis souvent lors de ce type de discussion, qu’avant de l’entamer, les protagonistes devraient dire dans quel but ils y participent : convaincre, apprendre, échanger…mais je m’éloigne du sujet peut être (sujet que je trouve très intéressant du reste)

  11. Alexandre Post author

    Merci pour vos commentaire!

    @Yoann Romano : pour ma part, je pense que si tu refuses de te battre, c’est déjà t’avouer vaincu. Non?

    @khrys : hello Khrys! Je crois que tu es sans doute une des personnes que j’ai rencontré avec qui j’ai eu le plus de plaisir à débattre 😉

    @Olivier Leroux : oui ça serait bien. Remarque que certains de ces points peuvent être légitimes s’ils sont bien utilisés.

    @Faysal : hello comment vas-tu depuis le temps? Ah là tu vas très loin, des auto-sophismes? Est-ce un dialogue entre la conscience et le subconscient?

    @Greg : pourtant l’argument que tu utilises pour discréditer l’article fait bien partie de la liste. Tu devines lequel? (un indice : il faut lire l’article jusqu’à la fin)

    D’ailleurs ce que dit Greg est un très bon exercice pour tout le monde! Qui se lance?

    @Chlorophylienne : en effet, et j’irai même plus loin : je pense qu’un débat constructif devrait toujours avoir au moins ces trois buts

  12. strom

    Le souci avec les mots est que n’importe quel argumentation peut etre anéanti sans même utliser un des stratagèmes cité dans l’article.
    Au dela de ça, l’article permet d’éveiller le questionnement.

  13. Yoann Romano

    Oui, et c’est un raisonnement que j’applique aux objectifs de vie. En revanche, pour ce qui est d’être heureux d’avoir changé l’avis de quelqu’un durant une conversation banale – ou du moins qui n’implique pas une amélioration de la qualité de vie d’un des deux participants selon le résultat – alors non, je préfère passer à autre chose.

    Yoann

  14. Chlorophylienne

    Tout à fait d’accord avec Yoann, pour moi convaincre(à de rares exceptions près bien entendu)n’est pas mon objectif dans une discussion…donc pour moi le débat constructif (ou idéal) doit être un apport et un enrichissement des deux parties. Le rapport de force annule l’intérêt

  15. Le Marketeur Français

    Le titre de l’article est excellent, mais je m’attendais du coup à ce que tu donnes quelques raisonnements faux pour qu’on y trouve l’erreur…

    Cela pourrait être une excellente suite, non ?

    Sébastien

  16. Jérôme

    Excellent article plein de conseils !
    Me redonne du peps pour retitiller mon entourage sur des sujets à débattre pour détecter ces “erreurs de raisonnement”. 🙂

  17. anoname

    J’ajouterais que “On croyait autrefois que la Terre est plate” est lui même un appel à la popularité, car rien ne prouve que les gens croyais autrefois que la terre était plate.

    J’ajouterais bien que l’on sait que la terre est ronde au moins depuis les Grecs, mais faute de référence sous la main, et la flemme de chercher aidant, je ne l’affirmerais pas au risque de faire un appel à l’autorité fallacieux.

  18. Nicolas Pène

    En lisant certaines de ces erreurs, je n’ai pu m’empêcher de penser au livre “Influence et manipulation”. Car elles mènent directement à manipuler vue qu’elles s’appuient sur des fausses vérités.

    J’ose juste espérer qu’un jour, plus de journalistes courageux et malins remettront en place l’ensemble des politiciens utilisant à outrance ces erreurs de raisonnement. Car au final, le discours en résultant peut être extrêmement dangereux.

  19. Pingback: Le mouton noir : comment accepter sa différence ? | développement personnel

  20. ada

    S’il y a bien un site que je trouve gonflé côté manipulation des masses c’est bien charlatans.info : très doué en critiques et en communication mais beaucoup de choses justement basées sur l’ignorance et la non connaissance des sujets qu’il critique. C’est médisant au possible.

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