La stratégie du dauphin est un livre qui s’adresse à tous ceux qui souhaitent que les individus et les organisations se comportent plus intelligemment et plus sensiblement pour obtenir des résultats optimaux et durables.
Le personnage du dauphin est une métaphore qui dépeint l’individu en mutation constante, capable de surfer sur la vague du changement pour s’épanouir et emporter les autres vers le succès. Le dauphin se sait responsable de ses résultats et adopte consciemment la stratégie la plus appropriée à chaque situation.
Les requins et les carpes, en comparaison, sont beaucoup plus statiques. Leur comportement se réduit à des stratégies simplistes et à court terme. De fait, ils sont incapables d’évoluer en synergie, leurs solutions manquent d’originalité, et l’innovation leur fait cruellement défaut.
Dans cet article, je vais vous décrire un à un les personnages, ainsi que les notions clé qui m’ont le plus marquées du livre “La stratégie du Dauphin”, que je vous recommande chaudement. Premier personnage : la carpe.
1. La carpe
Dans cette histoire aquatique, le personnage le plus vulnérable est celui de la carpe. Ce poisson sans défense sait qu’il n’a que deux choix dans la vie : soit se faire oublier, soit se faire manger ou blesser par un prédateur. Il est donc persuadé qu’il ne peut pas gagner. Au mieux, il peut éviter d’avoir mal et c’est tout ce qu’il attends de la vie, ce qu’il considère comme le bonheur.
La carpe humaine est dans la même situation. A cause d’un ou de plusieurs événements traumatisant, elle se sent prisonnière de la défaite. C’est pourquoi elle se contente d’éviter les responsabilités et les opportunités de changement pour éviter de souffrir. Même si on la force à agir, elle sabotera inévitablement son succès à cause de ses pensées limitantes. Ce faisant, elle n’apprends jamais à faire face à l’adversité et ce cercle vicieux en fait une victime chronique.
En fait, les carpes se complaisent dans la situation de victime de ceux qui “donnent sans jamais recevoir”. Ca leur donne une excuse pour éviter les responsabilités de leurs actes ou de faire quelque chose de différent, puisqu’elles sont “esclaves d’un persécuteur” (un requin), ou d’un autre de leurs congénères. Cette dépendance vis-à-vis de leurs persécuteurs est bien décrite dans cet extrait de The Addictive Organization, par Anne Wilson Schaef et Diane Fassel où on les surnomme codépendants :
[les carpes]… consacrent la plupart de leur temps à essayer de comprendre les besoins des autres et à chercher des indices subtils de ce que les autres attendent d’eux. Ils sont des observateurs pénétrants. Ils connaissent intuitivement les réactions qui sont requises dans la plupart des situations, et ils les fournissent. Leur façon de gérer l’impression qu’ils donnent leur permet de déguiser leur vaste malhonnêteté, que les autres perçoivent comme de la gentillesse, comme de la vertu et comme une capacité illimitée de compréhension et d’écoute. Il est rare que les codépendants disent franchement ce qu’ils veulent. Ce sont des experts du vague, de la manipulation, des rumeurs et des potins… Du point de vue de la culture, les codépendants ont l’air de personnes aimantes et généreuses; pourtant, quand nous travaillons avec eux, nous découvrons souvent sous ces apparences factices qu’ils sont en colère, déprimés, dominateurs et manipulateurs.
On peut donc dire que les carpes passent leur temps à se donner une bonne image tout en évitant soigneusement de prendre partie, pour que ce soient les autres qui passent pour de mauvaises graines. Cette croyance selon laquelle dans ce monde cruel on ne peut vivre comme un bon citoyen qu’en souffrant par la faute des autres retire toute idée d’abondance dans l’esprit des carpes. Enoncer cette possibilité les fait même enrager.
De fait, elles ont créé un ensemble de parades pour se détourner de toute action constructive qui leur permettrait d’évoluer. Ci-dessous, Stewart Emery en a identifié 6 :
- Ne participe pas au jeu
- Empêche les autres de gagner
- N’achève jamais rien
- Sabote le jeu
- Joue le rôle du “bon gars”
- Devient un problème
Dans le livre “La Stratégie du Dauphin”, on trouve également une métaphore appelée “Le bassin”. Le bassin symbolise notre marge de manoeuvre, les possibilités que nous avons d’interagir avec les autres à un instant donné. Sachant que les autres, ça peut être un groupe, une famille, une entreprise. Voici les 5 possibilités :
- La Percée : le “bond quantique”, en un mot : innover
- La Mainmise : gagner aux dépends de l’autre
- Le Compromis : le 50 / 50
- Le Renoncement : perdre au profit de l’autre
- Le Désengagement : se retirer du jeu
Les deux zones où la carpe évolue dans le bassin sont :
-Le désengagement : c’est bien la pire des choses puisque cela hôte toute possibilité de collaborer et de profiter de l’expérience des autres. C’est la zone de l’hermite qui se réfugie dans un monde à part, en réalité un monde de pénurie.
-Le renoncement : renoncer permet aux requins de gagner aux dépends de vous, mieux vaut donc se battre au lieu de renoncer, sinon vous n’aurez bientôt plus rien. Malheureusement les carpes ne se croient pas capables de se battre. Dans le cas d’une interaction avec le Dauphin, leur manque de combattivité risque bien de le décevoir. Et celui-ci finira par ne plus jouer avec elles puisqu’il n’y verra aucun intérêt.
Pour résumer le comportement de la carpe, on peut dire que c’est une espèce craintive qui évite toute forme de responsabilité pour ne pas souffrir. Elle est persuadée que le monde est en pénurie, et donc qu’elle n’aura ou ne fera jamais assez pour s’en sortir. Poussée à l’action, elle sabote son propre succès et celui des autres.
2. Le requin
A la différence de la carpe, le requin du livre “La Stratégie du Dauphin” est un prédateur. Il est armé d’une puissante mâchoire ornée de plusieurs rangées de dents acérées qui poussent continuellement. Autant dire qu’il est toujours en position de force lors d’un face à face avec un autre poisson, sauf peut-être lorsqu’il rencontre un de ses congénères ou un animal plus futé que lui.
Le requin humain est dans une situation analogue : il a un avantage qui lui permet le plus souvent de remporter la victoire au détriment des autres. Pourtant, cet avantage lui joue des tours puisqu’entre temps, ses adversaires ont appris à se méfier de lui, de sorte que les proies faciles ne tardent pas à se volatiliser. Pire : certaines vont se liguer contre lui afin de l’éliminer. Il se retrouve donc de la même façon que les carpes dans une situation précaire de pénurie. Cette situation le pousse à vouloir toujours obtenir davantage de ses proies, qui se raréfient d’autant plus vite, entraînant un cercle vicieux aussi implacable que celui de la carpe.
Pour gagner, le requin utilise les stratégies suivantes :
L’arnaque : le requin est prêt à tout pour être le gagnant. Aussi infime que soit l’enjeu, il n’hésitera pas à tromper l’adversaire ou à tricher pour arriver à ses fins.
Le brouillard : le requin aime semer la panique et la confusion de ses adversaires en agitant l’eau, car ça lui permet de masquer ses agissements. Face à des victimes trop occupées à essayer de comprendre ce qu’il se passe, il est sûr de gagner.
Le déni : le requin prends soin de ne jamais avouer ses fautes et déforme la réalité afin qu’il ne puisse jamais être mis en cause. Mais à trop vouloir jouer à ce jeu, il risque de croire à ses propres inventions.
La dose : le requin est un grand nombriliste, et son égo le pousse à la paranoïa. Il est poussé à ne voir la vie qu’à travers son propre jugement, sans égard pour les solutions alternatives proposées par son entourage.
La supposition : un requin prétends toujours que sa solution est la seule valable, puisque si tous les autres échouent, ce sera lui qui aura gagné. Pourtant cette attitude est un grand fardeau car comme tout le monde, le requin échouera inévitablement à un moment ou à un autre. Cela le poussera une fois de plus à essayer d’occulter la vérité.
La crise et l’emprise : le requin a toujours besoin de contrôler les autres. Il maintient un climat de crise pour maintenir la dépendance des autres vis-à-vis de lui. Mais cela nécessite une vigilance de tous les instants, et ce but bien illusoire l’empêche de se focaliser sur des actions constructives.
Comme vous l’aurez deviné, le territoire de prédilection du requin est la Mainmise, avec parfois des élans de Compromis lorsqu’il a affaire à plus fort que lui. Du fait de sa soif de pouvoir, le requin se retrouve souvent dans des emplois où il peut exercer une stratégie offensive. Ce sont les propriétaires d’entreprise, avocats, superviseurs, maîtres d’école, commerciaux, cadres supérieurs. Notamment les emplois qui ont trait au monde des affaires. C’est dans ce milieu en particulier que se sont bien vendus les ouvrages sur l’art de la guerre et la stratégie militaire, inspirés par des penseurs tels que Sun Tzu et Machiavel.
Cette stratégie de Mainmise fonctionne pendant un temps. Mais sur du long terme, elle n’est pas viable. L’auteur prends l’exemple des prédateurs d’entreprises, qui sévissent de moins en moins grâce à des réflexes qu’ont acquis les entreprises menacées. Par exemple le fait de faire appel à des acheteurs d’obligations bon marché, aux prêteurs, aux législateurs, aux organismes de régulation et à la presse permet de limiter l’impact des requins. Ainsi les cibles faciles se raréfient et les requins se voient obligés d’accepter des compromis, faute d’avoir eu le dessus.
Le Compromis est loin d’être une solution idéale. Robert Lawrence écrit dans son livre Dealmaking : All Negotiating Skills and Secrets You Need :
Le compromis, c’est l’art d’amener les deux parties à accepter une solution que ni l’une ni l’autre aime. Tant et aussi longtemps que personne n’est content, dit-on, le marché est équitable
Chaque parti doit s’adapter aux contraintes, aux conditions négociées pour obtenir seulement une partie du gain initial. Chacun accepte de préserver un degré modéré d’amour propre. On pourrait dire qu’il s’agit de ce que certains appellent une stratégie gagnant-gagnant, puisque chacun obtient quelque chose. Mais en réalité, on devrait plutôt appeler cela une stratégie moitié gagnant-moitié gagnant. Les deux acteurs reviennent à une idéologie de pénurie, puisque l’objectif n’est que d’éviter de perdre en obtenant au moins quelque chose. Ainsi jouer au jeu du Compromis n’est pas une solution plus durable que la Mainmise.
Voyons maintenant quelle est cette fameuse “stratégie du dauphin” en étudiant notre troisième personnage…
3. Le dauphin
Récapituons ce que nous avons appris jusque-là. L’idée qui domine les deux premiers personnages de “La Stratégie du Dauphin”: la Carpe et le Requin est l’idée de pénurie. Ils ont tendance à croire que nous vivons dans un monde statique aux limites bien établies et exploitent leurs ressources en utilisant tout le temps les mêmes approches. Ils s’identifient même à leurs comportements, qui sont comme “câblés” dans leur esprit. Cela s’apparente à la stratégie de la mouche, qui se cogne et se recogne encore plus fort contre la vitre, croyant que pour s’en sortir dans la vie il suffit de persister en se contentant de faire la même chose plus intensément.
Le dauphin quant à lui croit à la possibilité d’une pénurie comme à la possibilité d’une abondance, et surtout que les deux sont accessibles. Il est capable de réfléchir à sa façon de penser pour adopter le comportement adéquat dans chaque situation afin d’exploiter au mieux ses ressources et trouver la solution élégante. Il sait tirer partie de sa flexibilité pour utiliser l’effet de levier qui vise à faire plus avec moins.
Les dauphins ne sont pas des super-poissons qui attendent la moindre occasion pour faire profiter le monde de leur “sagesse supérieure”. Ce ne sont pas non plus des gourous, ou des magiciens attirés par les forces mystiques ou occultes. Ils ne sont pas du genre à appliquer aveuglément des principes. Les dauphins sont tout simplement des adeptes de ce qui marche.
Ce qu’on appelle solution élégante dans le livre “La Stratégie du Dauphin” allie trois qualités :
- la précision (scientifique)
- la cohérence
- la simplicité
Malheureusement, les notions de compétition, de victoire et d’échec dans notre culture nous empêchent souvent de coopérer efficacement pour la trouver. Même lorsqu’on adopte une stratégie prétendument gagnant-gagnant, on se rends compte que le concept est davantage utilisé comme un moyen de favoriser la bonne entente par des compromis plutôt que comme un levier menant à une véritable percée, porteuse de richesse. Le sentiment de satisfaction abusive qui en découle est nuisible puisqu’il pousse à se contenter de peu. A long terme c’est une stratégie perdante.
Loin d’être conciliant en permanence, le dauphin se comportera parfois en carpe ou en requin suivant la situation. C’est pour cela que la carpe le verra souvent comme un requin, et que le requin le considèrera souvent comme une carpe. Mais le dauphin agit en pleine connaissance de cause, dans un but précis, suivant ce que la situation exige. Plus important encore : il le fait en espérant tomber sur l’opportunité d’une percée.
Pour comprendre cette logique, il est important de comprendre la différence entre jeu fini et jeu infini, une notion développée dans le livre Finite and Infinite Games de James Carse.
Dans un jeu fini, on joue suivant des règles bien précises, dans le but de gagner. Les règles sont là pour que le jeu prenne fin à un moment donné, donnant la victoire à un des joueurs. Voici quelques exemples de jeu fini : un débat, jouer à un sport, recevoir un diplôme, appartenir à une société ou s’engager dans la guerre.
On assimile aussi le jeu fini au jeu à somme nulle (ou à somme constante) où les bénéfices et les pertes de tous les joueurs additionnés donnent toujours la même valeur. Couper un gâteau est un exemple de jeu à somme nulle (ou constante), puisque prendre une part de gâteau plus grande réduit la part de gâteau restante pour les autres. On appelle aussi ce genre de jeu un jeu strictement compétitif.
Dans un jeu infini, le but est que le jeu continue. Les règles du jeu infini évoluent de façon à éviter que quelqu’un gagne – que la partie soit terminée – et de façon à apporter autant de personne que possible dans le jeu. C’est le jeu de la vie.
Voici quelques extraits du livre de James Carse qui permettent de mieux cerner le concept :
- Dans un jeu fini, les règles ne changent pas; les règles d’un jeu infini doivent changer.
- Les joueurs d’un jeu fini jouent suivant certaines limites; les joueurs de jeu infini jouent avec les limites.
- Les joueurs de jeu fini sont sérieux; les joueurs de jeu infini sont joueurs.
- Un joueur de jeu fini joue pour être puissant; un joueur de jeu infini joue avec force.
- Un joueur de jeu fini consomme du temps; un joueur de jeu infini génère du temps.
- Le joueur de jeu fini aspire à la vie éternelle; le joueur de jeu infini aspire à la naissance éternelle.
Les joueurs de jeu fini veulent tout contrôler. Ils aspirent à être tellement entraînés que rien ne puisse les surprendre. Si parfaitement entraînés que chaque étape soit prévue au départ. Ils jouent comme si le jeu était déjà dans le passé, d’après un script dont chaque détail est connu avant que le jeu lui-même ne commence.
La vision de jeu infini considère plutôt les organisations comme des systèmes créatifs, dont le but est d’améliorer et de favoriser la création sur une vision à long terme. Dans ce contexte plus large on peut trouver une succession de jeux finis où l’on gagne, on perd, ou on obtient un compromis, mais chacune de ces étapes vise à faire durer le jeu plus large dans lequel ils s’inscrivent.
Comme mentionné, le dauphin du livre “La Stratégie du dauphin” est capable de jouer à des jeux à somme nulle, mais sans perdre de vue son aspiration pour une percée à long terme. Voici certains critères qui l’aident à décider quand adopter un comportement donné :
Mainmise :
- Quand la relation importe peu et qu’un certain résultat final est en jeu. Par exemple pour une urgence médicale, le dauphin peut se permettre de froisser certaines personne puis recoudre les relations plus tard, une fois l’urgence passée.
- Quand des représailles sont nécessaires. Par exemple en assenant un bon coup sur le museau du requin, pour se protéger ou montrer aux autres qu’ils devraient le prendre au sérieux et jouer avec intégrité.
Compromis :
- Quand les positions sont très polarisées, mais qu’il faut progresser.
- Quand autrui est avare de coopération.
- Quand il est à court de temps, quand la relation reste primordiale, quand l’importance de l’enjeu est dérisoire ou moyenne.
Renoncement :
- Quand l’enjeu est insignifiant, et la relation, capitale. Par exemple pour guérir une relation.
- Quand c’est un bon moyen d’aider autrui à apprendre par l’expérience. Par exemple laisser un enfant gagner de temps en temps pour l’encourager à continuer à jouer.
- Quand la situation est urgente, et le consentement crucial.
- Quand il se rends compte qu’il a tort.
Le dauphin est même parfois ouvert au désengagement, qui rappelons-le est la seule option qui soustrait quelque richesse de l’univers ou de l’individu :
Désengagement :
- Quand le résultat importe peu.
- Quand d’autres besoins sont plus pressants.
- Quand il faut retrouver son sang-froid pour ensuite régler les problèmes de base.
- Quand il faut collecter de l’information.
- Quand il a besoin de temps pour rassembler ses ressources
- Quand il est clair que rien de bon ne peut être tiré de la situation, sauf une leçon douloureuse.
Enfin, le Non-engagement est sans doute une des stratégies les plus fécondes du dauphin, puisqu’elle lui permet d’éviter les situations peu constructives au profit d’expériences qui tendent vers ses buts et valeurs.
Au delà de ces considérations propres au jeu fini, le dauphin s’efforcera toujours de créer un gain net de richesses pour la communauté, par une percée qui repousse les limites du jeu fini. Lorsque cela est possible, il privilégiera la coopération par rapport à une approche strictement compétitive afin de provoquer le changement.
Par contre, le dauphin a conscience que cette coopération doit toujours se faire dans l’optique de la percée, et non pas dans l’optique d’être gentil pour se donner bonne conscience. C’est une notion souvent mal comprise par les partisans de la stratégie gagnant-gagnant telle qu’on la conçoit habituellement. Voyons cela avec le quatrième et dernier personnage du livre “La stratégie du Dauphin” : la carpe pseudo-éclairée.
4. La carpe pseudo-éclairée
La carpe pseudo-éclairée (CPE) est un état qui concilie un peu la carpe et le dauphin sans pour autant atteindre ce dernier, d’où le terme “pseudo-éclairée”.
Si vous vous souvenez bien : la carpe, notre premier personnage, était obnubilée par un sentiment de pénurie. Mais pour la carpe pseudo-éclairée, c’est au contraire un sentiment d’abondance absolue qui prédomine. Dans la vie, la CPE ne voit pas de mal ni de vrai perdant car à long terme, tout le monde fini par être gagnant. Elle a un besoin viscéral de guérison. Elle adore se soigner en se faisant du bien et en faisant du bien aux autres. Par conséquent, elle n’est pas à l’aise avec les représailles ou la fuite. Elle ne peut pas manifester son amour par le pouvoir et cette impuissance la met en colère. La plupart du temps, la carpe pseudo-éclairée se contente du lâcher prise, qui lui permet de flotter dans le conduit d’une force supérieure à laquelle elle se soumet avec plaisir.
Ce personnage m’a particulièrement intéressé, dans le sens où il fait écho à une mode très en vogue actuellement : la positive attitude. Comme le souligne Marc Traverson dans son article Positive thinking, oui, mais pas trop !, on ne peut pas “noyer la complexité de l’être et de l’âme sous les flots d’une gentillette musique d’ascenseur”. Aussi, vouloir simplifier la vie en voyant tout en rose mène à une impasse qui empêche la CPE de développer pleinement son potentiel.
Cela dit, comme les auteurs de la “Stratégie du Dauphin” le soulignent, cet état de carpe pseudo-éclairée est un premier pas vers plus de choix, plus de marges de manoeuvre par rapport au statisme teinté de fatalisme qui s’exprime dans le comportement des deux premiers personnages de “La Stratégie du Dauphin”: la carpe et le requin. La carpe pseudo-éclairée évoluerait en somme dans une zone grise qui précèderait l’état de dauphin car elle entrevoit les capacités immenses de l’être humain, même si elle ne parvient pas à les développer rationnellement.
Le plus grand mérite de la carpe pseudo-éclairée est sans aucun doute son pouvoir de guérison. Elle se fait un devoir de guérir tous les maux du monde. Les enfants des ghettos, les femmes battues, les alcooliques, les victimes d’abus sexuel trouveront un havre réparateur en sa compagnie. Cette notion de havre est comparée par l’auteur aux campements des autochtones nord-américains. Ce sont comme des étapes, où la CPE se guérit et guérit les autres.
Cependant, les carpes pseudo-éclairées ont tendance à généraliser le havre à tout ce qui les entourent. Aveuglées par une impression d’abondance absolue, elles ne voient aucune limite à craindre ou à surmonter, aucune frontière à poser à la réalisation du potentiel humain. Devant la réalité des choses, cette croyance en un univers omniscient qui prendra soin d’elles les pousse finalement à se dérober et à rejeter leurs responsabilités, tout comme les carpes communes.
Soucieuses de prouver et d’alimenter leur croyance dans un monde sans limite où tout est possible, les CPE saisissent chaque occasion de généraliser des phénomènes extraordinaires. L’histoire du centième singe en est un exemple. Elle raconte que des singes vivant au japon ont été éduqués par des hommes à laver leur patate douce dans l’eau pour enlever les saletés avant de la manger. Ces singes transmirent le tuyau à tout leur entourage, et à partir d’un certain seuil (le 100ième singe), toute la population était instantanément pourvue de ce savoir faire, même les singes des îles environnantes qui n’avaient pourtant aucun contact avec les autres singes ! Bien sûr, ceci n’est qu’un exemple parmi tant d’autres facultés métaphysiques fabuleuse qu’on prêterait à la nature et au genre humain.
Ce genre de croyances laisse place à une carpe enragée lorsqu’elle se rends compte que le monde n’est pas sans limite, instantané, et qu’elles restent impuissantes contre les requins. Elles se mettent alors à se définir en fonction de ce à quoi elles s’opposent. Elles maudissent “le système” dont pourtant elles dépendent puisque cela leur donne une excuse pour ne pas changer et rejeter leur responsabilité.
Dans les organisations, les auteurs de “La Stratégie du Dauphin” classent les CPE en deux groupes distincts : la CPE métaphysique, et la CPE sociale. La première se situant parmi les employés de l’organisation, tandis que l’autre critique l’organisation de l’extérieur.
Notamment, les CPE métaphysiques sont :
- Antimatière : elles cherchent souvent à s’évader par des drogues ou thérapies spirituelles favorisant la dématérialisation.
- Antimâle : elles pensent que le gouvernement et la testostérone forment une combinaison impossible.
- Antistructure : les CPE refusent les structures car elles n’acceptent aucune limite.
Et les CPE sociales sont :
- Antitechnologie : car la technologie risque de perturber le “flux” de l’univers.
- Anticomplexité : car cela donne trop d’endroits aux requins pour se cacher.
- Anti-autorité : parce qu’accepter que l’autorité est nécessaire revient à accepter l’existence du mal.
On voit surtout des carpes pseudo-éclairées parmi les adeptes du gagnant-gagnant basique. C’est à dire le genre d’association qui partage les gains par un compromis “acceptable” au lieu de générer plus de valeur. Elles sont conciliantes parce qu’elles veulent se montrer gentilles envers leurs proches, sans se demander si une éventuelle percée serait possible à long terme. Dans ces conditions, les requins seront nombreux à faire la queue au seuil de la porte pour dévorer ce qu’il y a à dévorer.
Au final, on pourra résumer la stratégie de la carpe pseudo-éclairée de la manière suivante :
- Les carpes pseudo éclairées ne croient qu’à l’abondance et ignorent l’existence de limite, de mal ou de perdant.
- Elles croient qu’elles nagent dans un univers bienveillant qui prendra toujours soin d’elles, et qui converge vers une fin heureuse.
- Les CPE ne veulent pas assumer la responsabilité de résoudre tous les torts contre lesquels elles se révoltent, elles ne sont pas à l’aise avec les représailles. Elles croient qu’il suffit de les signaler et que l’univers prendra soin d’améliorer la situation en temps voulu.
- Pour elles, il suffit d’être dans le flux, se fondre dans la masse. Elles ne se rendent pas compte que c’est parfois inefficace.
- Elle ont bien un but ultime dans la vie mais elles ne se donnent pas les moyens de l’atteindre.
En une phrase, les carpes pseudo-éclairées de La Stratégie du Dauphin voient d’immenses capacités dans l’être humain mais rechignent à provoquer le changement pour ne pas troubler la marche du monde, qu’elles idéalisent, au moins à long terme.
C’est ainsi que se clôture notre présentation des personnages qui peuplent l’univers du livre “La stratégie du dauphin” par les auteurs Paul L. Kordis et Dudley Lynch. Bien sûr, ces articles ne sont qu’une invitation au voyage offert par le livre, où vous trouverez bien d’autres éléments complémentaires. Je pense cependant que j’en couvrirai certains à l’occasion, alors restez connectés!
Pour le moment je vous propose de faire une pause et de réfléchir aux personnages que nous avons vus. Autant vous le dire tout de suite, je m’identifie plutôt à la carpe pseudo-éclairée, mais vous vous doutez bien que j’aimerais évoluer progressivement vers le dauphin !
Et vous ? Auquel de ces poissons vous identifiez-vous ? Est-ce que c’est un mix entre plusieurs poissons ? Ou alors peut-être changez-vous de race selon la situation à laquelle vous êtes confronté ?
Wooo… ce texte me donne à réfléchir, et le goût de trouver ce livre pour le lire à mon tour! Merci Alexandre de l’avoir partagé.
Dans ce type de lectures j’avais tendance à être «hypocondriaque» en ce sens que je voyais tous les «bobos organisationnels» à mon bureau, puissance 1000. Là je suis pas mal moins pire, mais j’adore lire ce type d’ouvrage car ils me permettent de dénouer parfois des situations sur lesquelles j’avais du mal à mettre des mots.
Gérer les (ses) ressentis, ce n’est pas toujours évident!
c’est quoi un hermite ?
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@Mama Zen : ravi que ces idées t’emballent 🙂 comme toi je trouve que ça donne un angle de vision qui permet d’aller plus ou moins dans le sens de certaines de nos perceptions dans les situations que l’on vit au quotidien.
@Caillon : J’ai regardé la définition exacte sur sensagent, voici ce que ça donne :
“Solitaire retiré dans un lieu désert, où il se livre à des exercices de piété. Les ermites de la Thébaïde.
Familièrement. Vivre comme un ermite, vivre seul, loin du monde.”
La définition que j’emploi ici est la définition familière, donc le fait de vivre tout seul, coupé du monde.
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