Inspirer ou imposer? Influencer de gré ou de force? Voici une question qui m’a beaucoup donnée à réfléchir récemment. Nous sommes tous confrontés à cette problématique dans notre quotidien. Ultimement, on veut tous imposer ses idées, mais sans l’image négative de dictateur attachée au mot imposer. Obtenir ce que l’on veut sans susciter un sentiment amer ou de rejet de la part de ceux qu’on influence.
Si l’on étudie un peu l’étymologie des mots, imposer signifie “faire subir, faire accepter par contrainte”, donc par la force et en parlant généralement d’un fardeau. Tandis que le mot inspirer veut dire à l’origine “animer l’homme en lui conférant une âme par son souffle, en parlant de Dieu”, bref on influence en douceur, souvent en parlant d’un grand bienfait.
Nous verrons dans cet article que les deux approches sont complémentaires, mais que pour être efficaces, elles doivent être appliquées de façon mesurée, selon certaines circonstances et en tenant compte de leurs avantages et de leurs inconvénients.
Linux contre Microsoft
Vous aurez certainement reconnu dans l’image ci-dessus la mascotte de Linux et le logo de Microsoft. Je crois que c’est un des exemples les plus parlants de la dualité entre le fait d’inspirer et d’imposer. D’un côté nous avons une entreprise qui a imposé son logiciel : le système d’exploitation Windows, qui équipe la plupart des PCs. Et en face, nous avons l’alternative : Linux, un système d’exploitation libre qui vient concurrencer Windows.
On peut parler ici de position de force pour Microsoft car nous savons tous que cette entreprise n’hésite pas à abuser de sa position dominante pour mettre des bâtons dans les roues de ses concurrents grâce à ses accords avec les fabricants et une politique agressive de protection des formats et codes sources de ses logiciels. Les concurrents sont écrasés, et ce monopole permet à Microsoft de se maintenir au top avec des produits qui laissent pourtant à désirer.
D’un autre côté, Linux est parti avec un gros handicap par rapport à Windows mais le fait que ce soit un système libre a suscité un soutien populaire dès le début. Des milliers de programmeurs ont été inspirés par ce système qu’ils ont amélioré bénévolement. Evidemment, de nombreuses entreprises se sont créées pour exploiter le filon en vendant du support pour Linux. Mais le code reste libre et quiconque a le droit de l’adapter à ses besoins, ce qui fait de Linux un des plus beaux projets collaboratifs de l’histoire de l’informatique.
Alors devant tant de haine pour Microsoft et tant de sympathie pour Linux, comment se fait-il que Microsoft soit encore en position de force aujourd’hui? Et d’ailleurs pourquoi j’utilise moi-même actuellement un système Windows pour écrire cet article?
Déjà, il faut souligner que les ordinateurs personnels sont encore quasiment tous équipés de Windows à l’achat. Et les utilisateurs sont maintenant habitués à Windows et aux logiciels qui tournent dessus. Ils savent bien comment s’en servir et n’ont pas envie d’apprendre un tout nouveau système. Donc il y a toujours cet héritage du passé qui fait que Microsoft conserve son avantage, qu’il défends en plus farouchement. Mais notons que Linux a une bien meilleure part de marché sur d’autres plateformes où Windows est arrivé tardivement, telles que les téléphones portables, les Net PCs ou les serveurs.
Notons par ailleurs que d’autres systèmes pourtant propriétaires comme OS/X de Apple peuvent jouir d’une image positive et d’une popularité certaine auprès du grand public. Mais le cas d’Apple est un peu à part puisque la marque a toujours privilégié une relation privilégiée entre les consommateurs, notamment via une politique marketing visant à donner le sentiment au consommateur de faire partie d’une communauté proche de la société informatique. Sans oublier qu’Apple est très sensible au feedback des utilisateurs.
Diversité ou clonage?
Il faut bien avouer que Microsoft a eu le mérite d’imposer un standard très pratique pour tout le monde avec Windows. Ainsi généralement lorsqu’on va chez le voisin ou quand on change de boulot, pas la peine de passer du temps à s’adapter au nouveau système. On est tout de suite opérationnel, on retrouve ce bon vieux Windows. Comme l’anglais nous permet de communiquer avec les habitants du monde entier, Windows nous permet de travailler de la même façon avec la plupart des ordinateurs du monde entier.
De son côté, Linux est beaucoup moins connu par le grand public. Et c’est même pire : il est beaucoup moins normalisé que Windows. C’est à dire que deux ordinateurs sous Linux auront souvent l’air très différents. Car il faut savoir que plusieurs distributions existent, telles que UBUNTU ou SuSE. Et chacune contient sa propre suite de logiciels dont un gestionnaires de fenêtre spécifique (KDE / GNOME), un gestionnaires de fichiers spécifique ou encore un programme de ligne de commande spécifique. Il s’en suit que Linux promeut beaucoup plus la diversité par rapport à Windows. On peut presque dire qu’à part le noyau du système, on peut tout changer dans une distribution Linux.
Une analogie intéressante serait de voir le fait d’imposer comme un clonage, tandis que le fait d’inspirer serait plus une reproduction sexuée. Lorsqu’on impose un logiciel, une idée, une condition, une procédure, on exige que l’idée soit suivie fidèlement, sans aucune modification. C’est bien le cas de Windows, pour lequel l’utilisateur n’a pas accès au code source.
En revanche, dans toute distribution de Linux, l’utilisateur a son mot à dire. Il a accès à l’ensemble du code source et peut donc s’il le désire faire des améliorations personnelles. S’il tombe sur un bug, il peut le résoudre et envoyer la solution à la communauté. En quelque sorte, le code source de la communauté subit des mutations qui vont l’aider à s’adapter aux besoins de l’utilisateur et permettre de résoudre les failles de sécurité à temps. Le système sera donc plus convivial et plus robuste.
Ce n’est pas pour rien qu’on ne recense qu’une trentaine de virus sous Linux, à comparer à plus d’un million sous Windows!
A suivre…
Excellent article Alexandre, j’attends la suite avec impatience.
Je mettrai juste un bémol sur le fait que l’ouverture du code source de Linux permet d’augmenter la sécurité, et de réduire le nombre de virus. Si c’est sans doute vrai pour la première affirmation (quoiqu’un grand nombre de failles de sécurité soit découvertes chaque mois dans les logiciels Linux, tout comme pour Windows), le faible nombre de virus pour Linux s’explique avant tout par une chose : le faible nombre d’utilisateurs. Linux a en effet 0,8% de parts de marché sur les ordinateurs personnels, à comparer aux 87,34% de Windows XP et Vista cumulés…
Autant dire que le “marché Linux” attire peu les hackers en herbe – ou même pro : un virus demandant autant de temps à être développé pour Windows que pour Linux, il est bien plus rentable de le faire pour Windows. De plus, les 0,8% de la population qui utilisent Linux ont tendance à être des utilisateurs chevronnés qui maîtrisent très bien leur outil, et les développeurs de virus le savent… Autant viser des newbies qui ne comprendront pas ce qu’ils font plutôt que des experts qui se méfient et dont l’attention sera attirée par tout comportement étrange.
Merci pour cette réflexion!
Je me demande si Microsoft n’avait pas existé au tout début pour “démocratiser” le PC, où nous en serions maintenant? Je pense que le déployement des ordinateurs dans le monde aurait été beaucoup plus lent.
Ce qui est intéressant maintenant est de voir quel sera l’impact de Chrome l’OS de Google. C’est bien la première fois que Windows aura un challenger sérieux. 🙂
Je suis curieux: quel a été le déclic pour lancer cette idée d’article? Un évènement particulier?
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