Etes-vous du genre à vous laisser happer dans des envolées créatives si prenantes que vous oubliez complètement de passer à table, si intenses que vous restez éveillé jusqu’aux petites heures du matin ?
Ces épisodes de surexcitation permanente ont un nom : hypomanie. C’est un moment où l’on agit à tout va, sans jamais ralentir ni prendre de pause. Une vraie boulimie de l’action !
La plupart des artistes chérissent ces moments fertiles, où l’on croirait que des muses bienveillantes viennent nous chuchoter à l’oreille de merveilleuses idées.
Pourtant, l’hypomanie a aussi de nombreux inconvénients. Elle peut même sérieusement plomber votre productivité à long terme !
Voyons pourquoi dans la suite de cet article…
Une folie douce ?
D’après le Manuel diagnostique des troubles mentaux, l’hypomanie est "un épisode maniaque atténué, qui n’aboutit pas à un désordre des actes". En somme, vous n’êtes pas cinglé, mais presque 🙂
Beaucoup d’artistes pensent que leurs meilleures idées naissent pendant ces moments de créativité exacerbée. C’est sans doute la raison pour laquelle il s’agit d’un état très agréable, où l’on est d’humeur très positive.
Le problème, c’est que lorsqu’on est trop optimiste, on surestime la valeur de notre travail. Boosté initialement par une série de bonnes idées, on se met à croire que tout ce qui nous vient à l’esprit est génial.
Cette excitation amplifie nos biais cognitifs. Nous ne sommes plus aussi lucides que d’ordinaire. Et au final, après être revenu sur terre, la moitié du travail est à jeter à la poubelle !
Moi-même, je suis parfois victime de ce genre d’épisodes lorsque j’écris mes articles. Dans ce cas, pour éviter de publier à chaud un article moyen, j’attends généralement le lendemain matin pour voir si l’article que je viens d’écrire est réellement aussi génial que je le pensais 😉
C’est un peu la même chose pour certaines idées de projet. Sur le moment, elles vous semblent absolument brillantes, puis finalement elles nous bottent nettement moins passé quelques jours.
Une force hasardeuse
Passons sur le paragraphe précédent, et admettons que ces vagues de créativité soient effectivement très utiles pour avancer plus rapidement dans vos projets. Comment pourraient-elles encore nuire à notre efficacité ?
Le deuxième inconvénient de l’hypomanie est sa nature imprévisible. Elle n’est pas si facile à contrôler. Visez à côté, et vous vous retrouvez emprisonné dans une hypomanie indésirable : par exemple vous errez de lien en lien sur le net sans but précis, ou vous vous laissez embrigader dans un jeu vidéo addictif.
Quand bien même vous vous débarrasseriez de toute distraction perturbatrice : qui vous dit que votre prochaine vague d’hypomanie constructive – c’est-à-dire focalisée sur vos objectifs – est à portée de main ?
Cette attente passive est dangereuse car cela vous donne une excuse facile pour ne pas vous mettre au boulot, du genre : "je ne me sens pas inspiré aujourd’hui" ou "je ne suis pas d’humeur". Vous passez ainsi d’une logique proactive à une logique réactive. Vous travaillez de manière irrégulière, "au petit bonheur la chance".
Or, comment pourrait-on vous faire confiance si vous ne savez pas planifier votre travail ?
Une agitation dévorante
Enfin, et c’est sans doute le plus grave : les épisodes hypomaniaques sont un fardeau pour notre bien-être à long terme.
Dans ces moments d’agitation dévorante, notre corps est soumis à rude épreuve, avec notamment un niveau de stress très élevé. Mais nous ne nous en rendons pas compte. On ne ressent même pas de sensation de faim ou de sommeil. C’est comme si notre esprit était sourd aux supplications de notre propre corps.
Vous avez probablement entendu parler de ces férus de jeu vidéo, morts d’épuisement après avoir joué en continu pendant plus de 24 heures. De même, tout porte à croire que nous raccourcissons notre durée de vie à force d’accumuler les épisodes hypomaniaques.
L’énergie dépensée dans ces moments de surexcitation aiguë est tellement massive que cela nous vide. C’est alors que survient un épisode dépressif, où le moral est très bas et où l’on n’a envie de rien faire.
Arrivé là, quand on repense à l’énergie et au temps nécessaire pour se remettre dans une phase créative, on se sent immédiatement découragé. Et il nous faut un très long moment pour revenir à un niveau de productivité acceptable.
Vous l’aurez compris, ce style de travail où l’on progresse par à-coups est clairement inférieur aux vertus du travail régulier, certes moins excitant que l’hypomanie, mais où l’on arrive à abattre plus de travail dans la durée en tempérant nos ardeurs. Nous en avions déjà parlé un peu dans l’article sur l’enthousiasme raisonnable, et nous en reparlerons prochainement.
“vous êtes presque cinglé 🙂 “,ou quelque chose comme ça……….
c est tres agreable,de lire ça,c est à titre professionnel?
savez vous que des gens,sur terre,ont des phases maniaques,suivient de phases depressives,ET N Y PEUVENT STRICTEMENT RIEN,mis à part la mise en place d un traitement lourd,qui doit être prit,à VIE,changeant de ce fait la personnalité -nommée de nos jours bipolaire- de la dite personne,qui ne pourra plus jamais être elle-même,
à cause des risques suicidaires,entre autre
les risques suicidaires,faites donc une petite recherche,là dessus,sur internet,et pourquoi pas un article?
une piste : regardez combien de morts sur la route,par an,et combien de morts par suicides,+,soyons “fous”,combien de tentatives,de suicide,par an ^^
vous allez voir c est tres edifiant.
bref,merci de tenir compte du petit pourcentage de gens atteint de maladies mentales,telles les troubles bipolaires et/ou la schizophrénie,qui sont abonnés à votre news-letter
cordialement
Moi je voulais te dire merci Alexandre pour cet article. Je me reconnais dans ces élans créatifs qui sont très enivrants mais dont l’article résume bien les effets pervers.Cela me soulage de voir que d’autres vivent cela aussi et luttent pour garder cela dans des limites acceptables pour ne pas nuire à une certaine productivité justement. Le problème est comment concilier les deux approches (créativité et régularité). J’avoue que je n’ai pas encore vraiment trouvé la réponse, les deux semblent antinomiques et la part créative ne se dompte pas si facilement.
@galaad : désolé si vous vous êtes senti visé. Mais il faut bien appeler un chat un chat.
La manie vient du grec maníā, qui veut dire « folie, démence, état de fureur ». Je crois qu’il est juste de dire que l’hypomanie est proche de la démence.
Nul besoin de vous sentir offensé si vous êtes bipolaire. La manie est un état transitoire, et non pas permanent chez les bipolaires.
Cela ne fait donc pas de vous une personne folle. D’ailleurs vous ne seriez pas en mesure d’écrire ce commentaire si c’était le cas.
@Kathleen : merci pour ton appréciation. Tu as trouvé le mot juste : enivrant. Je suis persuadé qu’en pratiquant la maîtrise de soi, on peut arriver à de bons résultats pour empêcher ces phases hypomaniaques de prendre trop d’ampleur.
Cher Alexandre,
Depuis que je lis Ceclair, je me dis que des comportements obscures prennent soudain une signification et une dimension toute différente de celle que je pouvais projeter sur eux.C’est la première fois fois que j’entends parlé de l’hypomanie et pourtant je me reconnais tout à fait dans ce comportement fait de procrastination savamment motivée par une absence d’inspiration, (les fils de pubs des années 80 en abusaient d’ailleurs sciemment), et de recherche de ces instants bénis ou les textes arrivent en tête sans même y avoir été invités. Puis une fois écrits,ces textes s’envolent et le génie disparait , jusqu’à quand? C’est le mystère de cette réapparition qui en fait tout l’intérêt. Mais apprendre comment l’on fonctionne est aussi une source inépuisable de créativité pour dompter notre nature tant rebelle que créative. L’essentiel est de ne pas être esclave de notre nature vagabonde mais bien au contraire de savoir l’inviter à nous habiter au bon moment en tenant compte de sa nature fantastque. En prenant son temps, en travaillant régulièrement et en acceptant que certains textes ne soient pas imméditement brillants mais mais qu’en y travaillant à l’avance, on prépare la venue de ce moment béni où les mots se placent en harmonie comme un ballet de lettres, de virgules et de points, virevoltant sur un air qu’eux seuls peuvent entendre mais qui nous permet dêtre reconnaissant de ce qu’ils nous permettent d’apprendre, d’écrire et de comprendre: nous sommes comme nous sommes, l’important est de nous aimer comme tels en en faisant une force de perception du monde. Etre hypomane, un peu, beaucoup, passionnément et heureux de l’être est un challenge à relever comme tous les autres challenges de la vie!!!! Allez courage à tous les hypomanes.
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