La peur de l’échec figure dans le palmarès de nos principales peurs. Pourtant un échec n’est pas forcément une mauvaise chose.
Lorsque nous voyons le spectacle d’un jongleur à la télévision par exemple, nous constatons le résultat final. Mais nous oublions souvent les heures et les heures de répétition. En fait il est probable qu’il ait échoué le plus clair de son temps avant que son spectacle soit présentable.
En se relevant encore et encore, ce jongleur a défié ses limites. Et cela lui a permis de s’endurcir et d’affiner ses compétences. Mais encore faut-il que ces échecs soient suffisamment anodins pour ne pas le blesser, et assez cuisants pour provoquer une prise de conscience et une envie irrépressible de progresser.
Je vous propose d’en discuter dans la suite de cet article…
Gérer le risque
Echouer à peu de frais. L’idée semble tout droit sortie du monde de la finance. Ces traders par exemple qui apprennent à gérer les risques de leurs coups en bourse. La plupart du temps, il suffit juste de ne pas trop miser sur la même société, et donc de répartir le risque parmi les entreprises qui semblent les plus prometteuses. Au pire, une entreprise qui échoue pourra donc être compensée par les gains d’une autre, et l’on ne mettra pas la clé sous la porte.
Même chose lorsqu’on fait de la musculation. Par exemple si je soulève une altère trop grosse, je pourrais me casser quelque chose. Et donc cet échec serait hautement préjudiciable puisque je devrais aller à l’hôpital, et peut-être même pire : garder des séquelles de cet accident toute ma vie! Dans le cas de la musculation il vaut mieux donc ne pas s’attaquer à une altère énorme, mais plutôt quelque chose qui a l’air surmontable, trouver la bonne mesure.
Bien sûr cela n’est pas toujours aussi simple, mais la première chose est bien de s’assurer que l’on peut survivre à un éventuel échec sans que cela réduise nos chances de réussite à la prochaine tentative.
Remarquez que lorsqu’on échoue, il ne faut pas non plus que ça nous atteigne mentalement au point de développer une sorte de phobie pour cette activité. Il y a quelques mois, j’ai eu la mauvaise idée d’emmener une amie qui apprenait à conduire dans un endroit fréquenté. J’avais un peu surestimé son niveau et ça s’est mal passé : elle a eu un léger accrochage. Et je sais que ça l’a touché mentalement. Il est donc important de bien calibrer le niveau de difficulté pour ne pas être traumatisé.
Les prototypes
“C’était juste un test!” J’imagine que vous reconnaissez cette excuse que sortent souvent les gens qui se plantent. Eh bien je pense que c’est l’état d’esprit qu’il faut garder dans ces cas là.
Après tout, c’est bien ce que font la majorité des fabricants de voitures, avec leurs prototypes ou leurs concept cars. Afin de tester en grandeur nature, ils réalisent une première esquisse. S’ils se plantent, ça ne leur a pas coûté bien cher. Alors que s’ils avaient sorti leur nouveau modèle d’entrée de jeu, on ne compterait plus les rappels…
Maintenant vous allez me dire qu’il y a des moments où l’on ne peut pas sortir cette excuse : ces grandes occasions qui ne pardonnent pas. Mais ces moments là sont tout de même beaucoup plus rares. Et en général lorsque ce sont des moments cruciaux comme ceux-là, vous vous êtes déjà tellement entraîné que vous ne pouvez clairement pas échouer.
Eviter le perfectionnisme à outrance
Dans bien des cas, pour être productif, il faut se lancer très tôt avec un produit qui n’est pas encore parfait, mais qui va s’affiner au fur et à mesure. L’idée est de vaincre l’immobilisme qui découle du perfectionnisme. Bien des gens veulent que tout soit finement préparé, sous contrôle. Mais cela implique beaucoup de temps supplémentaire.
Je ne serais pas surpris que la loi de Pareto s’applique dans ce cas précis, c’est à dire :
- 20% du temps que vous passez sur une tâche apporte 80% de valeur
- 80% du temps restant que vous passez à rendre le produit parfait lui apporte les 20% de valeur en plus
Un exemple très simple : lorsque j’ai commencé à bloguer, je n’ai pas attendu longtemps avant de me lancer. Dès que j’ai trouvé le nom de mon blog et que j’ai eu une idée assez précise du concept des articles que je voulais écrire, j’ai publié mon article de lancement le 7 mai 2007 sur wordpress.com. Une vingtaine de jours plus tard, et après mes neuf premiers articles j’annonçais le 22 mai 2007 que je déménageais à ma propre adresse ceclair.fr.
Ce lancement précoce m’a permis de faire mes tests dès le départ, avec des articles certes qui n’étaient pas parfait, mais tout de même suffisamment présentables. Au lieu de rester à l’arrêt, j’ai commencé à prendre un élan qui m’a motivé à écrire régulièrement. Et depuis lors, j’ai publié quasiment toutes les semaines.
Décupler ses forces en travaillant à l’arrache
Je vais vous faire une confidence : comme à mes débuts, j’ai encore souvent l’habitude de travailler à l’arrache. Dernier exemple en date : ma vidéo du défi des 100 pompes en 2010. Pour moi cette vidéo est un mini-échec. Il y a beaucoup de petits défauts : la qualité sonore et vidéo est atroce, je ne suis pas satisfait du ton de ma voix, de ma gestuelle, mes pompes n’étaient pas correctement exécutées, etc.
Pourtant vous savez quoi? Je ne le regrette pas le moins du monde! Parce que ça m’a fait progresser à pas de géant. Le fait est que durant la période où j’ai réalisé cette vidéo, j’avais en fait deux défis : programmer le système de gestion des défis du site devperso.org, qui permet de gérer les inscriptions au défi, et la réalisation de la vidéo.
D’où une pression énorme sur mes épaules : il y avait une date butoire et je devais réaliser tout cela en temps voulu. Pourtant je n’avais pas encore réalisé de vidéo pour C’éclair, donc il fallait entre autre que je prépare ce que j’allais dire sur la vidéo, ensuite après avoir fait la vidéo, je devais trouver un bon logiciel de montage vidéo, apprendre à m’en servir, synchroniser la voix avec l’image, etc.
Durant cette période, je dirais que j’ai été concentré sur ma tâche comme rarement. J’avais conscience que je devais terminer cette tâche pour progresser, et pour ceux envers qui je me suis engagé. Je savais que j’étais capable de le faire et en même temps ça représentait un certain challenge. Tout cela m’a fait entrer dans un état de productivité optimale : l’état de flow. J’étais totalement absorbé par ma tâche.
L’état de flow
Lorsque vous êtes dans l’état de flow, il n’y a pas de conflit intérieur qui vous fait hésiter sur les actions à prendre. Vous savez exactement ce qu’il faut faire et vous le faites. Depuis récemment, j’expérimente d’ailleurs une nouvelle façon d’écrire mes articles basée sur ce constat.
Afin de générer des idées le plus rapidement possible, j’écris tout ce qui me passe par la tête, en partant de simples phrases. C’est comme lorsque vous faites une présentation improvisée : vous êtes devant le public et vous devez absolument dire quelque chose, trouver des idées à la hâte pour broder sur le thème imposé.
Eh bien je fais la même chose : j’ouvre un éditeur de texte plein écran qui permet de compter les mots, et j’écris le plus de mots possible, comme si j’étais devant le public. Ainsi, je suis le fil de mes pensées, et je n’ai pas le temps de me dire “c’est nul ce que j’écris”, “et si je consultais mes emails” ou de penser à la jolie brune que j’ai rencontrée la veille.
Un environnement propice aux échecs peu coûteux
Parfois il est vrai, nous n’avons pas le luxe d’échouer à peu de frais. Si vous êtes pris dans un naufrage, vous devrez nager de manière effrénée pour survivre. Vous vous en sortirez alors uniquement si vous avez été pro-actif et que vous avez déjà appris à nager bien avant, puisque je ne suis pas sûr que quiconque soit capable de nager en étant pour la première fois immergé en eau profonde. Pour cela, cherchez donc un environnement avec un filet de sécurité : allez à la piscine, ou à la plage quand la mer est calme. Ainsi vous pourrez apprendre à nager sans risque.
Cela est applicable dans bien des domaines. Prenez par exemple notre peur numéro un : parler devant un public. Avant d’être humilié lors d’une grande occasion, prenez plutôt le temps d’échouer et de vous affûter dans un environnement bienveillant comme les clubs Toastmasters.
Bien sûr au début, vous ne serez pas à l’aise, vous trouverez vos discours “nuls”. D’ailleurs je vous avoue que mes premiers discours dans mon club sont loin de me satisfaire. Je suis membre d’un club anglophone, alors ce n’est pas évident : je cherche souvent mes mots, ma prononciation est aléatoire, et donc forcément j’ai du mal à me détendre suffisamment pour parler efficacement. Pourtant il faut bien aller au front, même si c’est douloureux c’est la seule solution pour avancer.
Malgré la difficulté, à chaque fois que je passe, je sait que je m’améliore. Les évaluateurs m’indiquent ce qui s’est mal passé. Je m’entraîne avec une membre expérimentée, et j’applique ses conseils. Le fait d’échouer sur un discours est davantage une opportunité pour apprendre, un moyen de gagner de l’expérience à peu de frais. Je suis plongé dans un environnement réel, bien que moins stressant qu’un public acerbe. C’est un peu le principe du vaccin : j’apprends à faire mes armes sur un ennemi affaibli, en l’occurrence un public bienveillant et tolérant 🙂
Se concentrer sur le bon côté des choses
Bien sûr, personne n’aime échouer, on voudrait tous apprendre grâce à des petits succès de plus en plus grands. Mais comment pouvez-vous savoir où sont vos limites si vous n’échouez jamais? La vérité, c’est que ce sont ceux qui agissent au plus près de leurs limites qui apprennent le plus vite. Et c’est donc aussi ceux qui échouent le plus souvent.
Alors comment font-ils pour supporter tout ces échecs? La recette c’est de savoir se concentrer sur le bon côté des choses. Je ne veux pas dire qu’il faut ignorer l’échec. Non car c’est important de le reconnaître, au moins pour soi-même. Mais si vous trouvez un élément positif dans chaque échec, vous n’aurez plus peur d’agir étant donné que vous avez gagnerez à tous les coups.
Je ne sais pas si vous avez remarqué mais n’importe quelle expérience peut être vue de façon positive. Parfois ce n’est pas aisé. Mais justement le fait de faire cet exercice régulièrement vous aidera à vous relever de l’échec. Tenez il y a une semaine, j’ai oublié mon VTT au centre commercial – j’habite juste à côté et je pensais que j’étais venu à pied. Le lendemain, je le retrouve mais avec un pneu crevé. Difficile de trouver un élément positif là-dedans n’est-ce pas? 😀 Pourtant en cherchant bien on arrive à en trouver, par exemple :
- J’aurais pu me faire voler le vélo ou le retrouver tout défoncé
- Ca m’apprendra à être moins tête en l’air quand je vais au centre commercial
- Une fois que j’aurai effectué la réparation je serai ainsi mieux rodé pour changer une chambre à air
Pour finir, afin de se souvenir de cet exercice, rien de tel que d’avoir à l’esprit la célèbre chanson : “Always look at the bright side on your life” des Monthy Python. Car c’est vrai après tout : la vie est un jeu, des fois on gagne, des fois on perd, mais ceux qui gagnent le plus souvent sont ceux qui savent dédramatiser et n’ont pas peur que leur couronne leur tombe de la tête. 😉
Etes-vous aussi un adepte du concept de l’échec peu couteux? Comment faites-vous pour vous entraîner avant un enjeu majeur? Je serais ravi d’entendre vos retours dans les commentaires…
Crédit photo : katerha
L’échec n’est qu’un indicateur, tel un feu rouge. Il n’y a rien de personnel là-dedans. Il faut simplement faire les bonnes choses de la bonne façon pour réussir. Beaucoup de gens l’oublient.
Yoann
Hello Yoann!
J’ai du mal à saisir tes propos. Si tu te plantes au beau milieu d’un spectacle, tu oublies ton texte ou autre chose, les spectateurs et ta troupe de théâtre vont bien te viser toi et pas un autre, c’est pas le voisin qui aura la honte de sa vie. Pourquoi dire alors qu’il n’y a rien de personnel dans l’échec? J’ai pas non plus l’impression que beaucoup de monde ignore qu’il faut faire les bonnes choses de la bonne façon pour réussir…
Peut-être qu’avec des exemples on comprendrait mieux?
Tu as raison, l’échec est un très bon moyen de progresser à condition qu’il ne soit pas trop cuisant sous peine de démotiver et décourager voire même de faire peur.
Enfin s’il est vraiment cuisant, c’est à double tranchant, soit on donne tout pour réussir soit on se décourage, tout dépends de notre attitude!
OK, le débat est intéressant.
Quand tu as une mauvaise note à l’école on réagit à ton travail d’après plusieurs critères de notations, et non à qui tu es. Si tu fais les bonnes choses, tu obtiens une bonne note. L’échec n’est donc pas personnel puisqu’il n’est qu’un résultat NEUTRE.
Tu comprends mieux mon point de vue ?
@Charles : je pense surtout qu’un échec est constructif s’il ne réduit pas tes chances d’y arriver la prochaine fois, mais au contraire qu’il les renforce grâce à l’expérience que tu as acquise.
Après si on n’est pas capable de réessayer dans le cas d’un échec “constructif”, alors c’est plutôt un travail sur soi-même qu’il faut faire pour reprendre confiance en soi.
@Yoann : Oui je crois bien que je vois ce que tu veux dire Yoann. C’est à dire que si tu échoue tu dois t’en prendre qu’à ta performance, et non au sort qui s’acharne contre toi parce que tu penses que tu t’es fait saquer. Une autre personne qui aurait agit comme toi aurait reçu exactement les mêmes notes, et donc la même sentence.
Merci pour ta contribution Alexandre! Les nombreux exemples que tu donnes sont vraiment très parlant, je le relierais demain matin avec l’esprit un peu plus clair!
Le super article bien détaillé. J’ai un peu honte du mien qui est un peu court et superficiel à côté. Il est rare de réussir sans connaitre d’échec. En général ceux qui osent échouent au début avant de décrocher la lune.
Les échecs sont des expériences intenses et mémorables, qui permettent de ne pas oublier et de ne plus les refaire par la suite.
@Julien : merci Julien pour l’organisation de cet événement 🙂
@Jérôme : merci à toi, c’est vrai que j’ai l’habitude de traiter à fond les sujets que je traite pour la Croisée, il faut bien que je donne un peu l’exemple 🙂 Mais je te rassures, il n’y a aucune pression à avoir là-dessus
A propos des échecs, comme tu le dis, l’essentiel est de retenir la leçon
Tout à fait d’accord avec le fait qu’il aille se planter souvent. Il faut faire un test, en tirer les conséquences, puis modifier sa manière d’agir par itérations. pour que cela soit efficace, diminuer le rique à chaque itération.
Fail fast, fail often, fail cheap
Chouette article 🙂
Je pense qu’il faut juste préciser ce que signifie ‘peu couteux’.
En ce qui me concerne, je viens de prendre une décision qui fait que si j’échoue cela aura un impact important à court terme. (je ne dis pas encore ce que c’est car je vais l’annoncer dans les prochains jours sur mon blog)
Par contre, si je me projette dans 10 ans, l’impact sera quasi nul, même si le ‘worst case scenario’ survient.
Et si j’atteins mes objectifs, dans 10 ans l’impact positif peut être exceptionnel !
Je pense que voir sur le long terme permet de relativiser la notion de risque et de coûts.
@Alexandre Exactement. Par exemple tu n’avais pas bien compris ma phrase parce que n’avais pas utilisé d’exemples concrets. Il y avait donc deux façons de réagir :
1- T’accuser de ne rien comprendre.
2- Remettre en question ma communication
@William : “Fail fast, fail often, fail cheap” ça résume remarquablement bien les choses, merci!
@Olivier Leroux : effectivement ça vaudrait le coup de s’y pencher. Comme à la bourse, si le cours descends un peu au début, il ne faut pas paniquer et revendre tout à perte. Mais si tu sautes d’une falaise et que tu échoue en te plantant sur un rocher, là c’est déjà plus expéditif lol
@Yoann : ah oui c’est vrai, comme quoi la paranoïa est vraiment toxique 🙂
peur de l échec
nous avons tous ce problème
doit être forte pour ne pas avoir ce problème
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Tout à fait d’accord sur les méfaits du perfectionnisme. Je l’étais, et suis maintenant devenu adepte du « bien assez bon ». Ça ne signifie bâcler les activités importantes, mais simplement que certaines (beaucoup) de tâches n’ont pas besoin d’un haut degré de perfection. Depuis, je réalise plus d’objectifs, plus importants… et en stressant beaucoup moins !
En fait, on surestime très souvent le risque que l’on prend dans nos actions. Un acteur qui a un trou de mémoire en pleine pièce de théâtre, n’est pas forcément considéré comme un nul : bien souvent, cet incident le rapproche de son public, en rappelant que lui aussi peut avoir des failles.
Un excellent moyen de prendre des “risques sans frais” (pour reprendre l’expression de l’article), c’est bloguer ! Ecrire sur l’internet ne coûte quasiment rien en investissement. Au pire, si on fait un erreur, il y a possibilité de corriger après coup.
Cet article me rappelle aussi un autre article que j’avais beaucoup aimé sur le concept de jour I, à propos des dangers du perfectionnisme : http://www.revolutionpersonnelle.com/2010/11/la-tyrannie-du-jour-z/
Bel article, dans la lignée des nombreux blogs de développement personnel. Ce genre d’état positif est très efficace pour affronter de nombreuses situations difficiles. J’essai de l’adopter mais il m’arrive parfois de redevenir un bon vieux français ronchon lol.
Je rejoins ton avis et le commentaire de Charles, l’échec est LE moyen de progresser car on apprend de ses erreurs. En revanche il ne faut pas que l’échec soit trop cuisant sous peine d’être complétement motivé et laisser tomber par peur d’échouer encore et encore.