Quel délice de se plonger dans une œuvre soigneusement rédigée !
Imaginez ces mots élégants, affluant naturellement dans votre esprit. Ils éveillent en vous un cocktail d’émotions judicieusement choisies. Ils promènent votre intellect d’une idée à l’autre. C’est comme si le texte prenait vie dans votre tête. Vous en êtes presque hypnotisé.
Cette expérience, mes amis, n’est pas le fruit du hasard, ni de l’à peu près. Quand on se perd en termes inexacts et abstraits, le lecteur s’égare. Nous prenons le risque d’être incompris.
Car le lecteur ne devrait pas perdre son temps à lever les ambigüités. Votre intention devrait transparaître très clairement à travers votre texte (sauf peut-être pour de la poésie, mais c’est une autre histoire).
Nul besoin de chercher à tout prix de grands mots pour donner plus de force à votre texte. Mais il faut un certain effort de réflexion pour trouver le mot approprié.
Je vous propose donc de partir à la poursuite du mot juste, grâce aux quelques points que je développe dans cet article…
Dénotation et connotation
Connaissez-vous la différence entre dénotation et connotation ? En fait, c’est très simple :
- la dénotation est le sens littéral d’un terme, la définition du dictionnaire
- la connotation correspond à toutes les associations émotionnelles que ce mot évoque
Par exemple, pour désigner une personne qui dort sous les ponts, on peut utiliser les trois mots suivants :
- le terme péjoratif : un clochard
- le terme neutre : un sans-abri
- le terme positif : un laissé pour compte (qui mérite donc notre pitié)
Les connotations d’un mot sont cruciales pour exprimer correctement le message que l’on souhaite transmettre. Si le mot est mal choisi, le lecteur va buter dessus. S’il y voit une contradiction, cela risque de troubler sa lecture.
Ceci peut vous paraître évident. Mais si vous avez une culture plutôt scientifique, comme moi, vous êtes sans doute plus sensible à la logique des mots. Alors qu’on devrait aussi se soucier de l’effet émotionnel qu’ils provoquent.
Il suffit parfois de presque rien. Tenez par exemple récemment je corrigeais le texte d’un de mes voisins blogueurs qui écrivait "altération" en parlant du changement de rythme des vacances d’été (connotation négative), alors que "ralentissement" était plus approprié.
Si vous écrivez des lettres commerciales, c’est encore plus important. Car pour convaincre le lecteur, il faut que celui-ci soit sur la même longueur d’onde que vous. Vous devez donc faire tout votre possible pour qu’il partage les émotions évoquées dans les connotations des termes que vous employez.
Voie passive et voie active
Beaucoup de rédacteurs débutants font l’erreur d’utiliser la voie passive à tire-larigot. On peut y voir un signe de réserve, ou bien peut-être que cela leur donne l’impression qu’ils écrivent du texte plus "intelligent" ?
Pourtant cette forme verbeuse est beaucoup moins expressive. Elle inhibe l’impression de mouvement et affaibli l’impact de votre texte.
Par exemple, préférez-vous :
"Le chat a franchi la fenêtre" ou "La fenêtre a été franchie par le chat" ?
Il y a quelques situations où la forme passive est préférable quand on veut vraiment mettre l’emphase sur la personne ou l’objet qui subit l’action. Mais dans la plupart des cas, préférez la voie active.
Du concret
Comment voulez-vous que le lecteur imagine ce que vous racontez si vous utilisez des mots génériques et abstraits ?
Le lecteur a besoin de se mettre en situation. Il apprécie qu’on balise son chemin grâce à des termes imagés, sonores, parfumés…
Cela ne veut pas dire qu’on doit se lancer dans des descriptions dignes d’un roman de Victor Hugo. Sachez simplement utiliser des termes plus précis pour aider le lecteur à comprendre.
Voici quelques exemples de termes trop vagues :
- Une carrière de fonctionnaire apporte plein de choses. (quelles choses ?)
- Avez-vous toujours des problèmes avec votre maison ? (quels problèmes ? quel genre de maison ?)
- Mon chien aboie quand il n’est pas content. (quel genre de chien ? quel est son nom ? pourquoi n’est-il pas content ?)
Eviter les clichés
Votre texte aura l’air bien terne si vous prenez l’habitude d’utiliser des expressions toutes faites. Le lecteur s’ennuiera, il aura l’impression qu’il perd son temps.
Si vous écrivez : "Aujourd’hui, il faisait beau. Nous sommes allés à la piscine. L’eau était bonne", en quoi ces phrases marquent la différence entre cette journée particulière et des milliers d’autres journées d’été à la piscine ?
Truffer votre texte de platitudes rend votre texte impersonnel, le lecteur aura l’impression qu’il peut trouver la même chose n’importe où ailleurs. Du coup, il aura du mal à développer une affinité avec vous, et à apprécier vos talents d’auteur.
Veillez donc à rendre vos phrases fraiches et originales.
Les outils de linguistique
Si vous êtes un lecteur de C’éclair de la première heure, vous n’aurez certainement pas manqué ma liste d’outils linguistiques pour améliorer son français.
Je suis un grand amateur de ce genre d’outils. Ils m’aident à satisfaire ma curiosité et à affiner mon vocabulaire lorsque je sèche sur un mot.
Mes outils préférés :
- Le dictionnaire de synonymes Crisco
- La dictionnaire Etymologique du Centre National de Ressources Textuelles et Lexicale
- Les chroniques expressio.fr, qui décortiquent les expressions françaises
Attention cependant à bien connaître la connotation des mots avant de les utiliser !
Des ponts avec la langue de Shakespeare
N’en déplaise aux puristes, l’anglais a le vent en poupe. Et je crois qu’il faut en profiter pour améliorer notre façon de nous exprimer en français.
Comprenez-moi bien, je ne préconise absolument pas de traduire littéralement des expressions en anglais. Certaines me font des hauts le coeur, telles que "je reviens vers toi", une façon pathétique de dire "i’ll get back to you".
Mais j’estime qu’il faut profiter de cette chance de mieux connaître l’anglais pour enrichir notre compréhension des mots, ainsi que la manière de les exprimer.
Un petit exemple : nous utilisons parfois le mot "burn out" pour dire "surmenage". N’est-ce pas inventif de désigner le surmenage par une "surchauffe" ?
Pour mieux faire le pont entre les deux langues, laissez-moi vous préconiser trois outils :
- Linguee : un outil récemment arrivé sur la toile qui propose de traduire un mot en s’appuyant sur des traductions de documents officiels.
- WordReference : un dictionnaire/forum parcouru par les mordus de langue du monde entier permettant de demander de l’aide quand vous cherchez à traduire un mot de façon précise.
- Wikipedia, rubrique "Autres langues" (dans le panneau de gauche): pour connaître l’équivalent d’une page wikipedia dans d’autres langues.
La clé de la connaissance
Je terminerai cette quête du mot juste en évoquant une autre de ses qualités : celle de l’accession au savoir.
Car certains mots sont la clé du "salon" où se réunissent les experts.
Sans ce mot, vous êtes exclu. Vous ne trouvez jamais l’adresse de cette communauté de personnes compétentes ayant l’habitude de plancher sur le sujet. Vous n’avez donc pas accès à leur savoir-faire.
Trouver le mot clé d’un domaine de connaissance dont vous n’êtes pas familier est loin d’être évident. On remue parfois ciel et terre sans jamais mettre la main dessus. Parfois, on abandonne même alors qu’on était à deux doigts de le débusquer.
On se met alors à réinventer la roue. Quel gâchis !
Comme j’ai une petite expérience en la matière, je vous donnerai quelques conseils à ce sujet prochainement sur ce blog.
En attendant, je compte sur vous pour partager avec nous vos méthodes de recherche du mot juste, dans le but d’exprimer clairement vos idées. Saisissez vos réponses dans les commentaires de cet article…
Bonjour Alexandre, pas de méthodes pour trouver le mot juste mais plutôt la recherche de l’intention juste ou du message à transmettre.
Si je ne trouve pas mes mots, c’est que soit ça n’est pas le moment et/où que l’intention n’est pas assez claire dont j’y reviendrai plus tard, je laisse ça évoluer tranquillement.
zenie
Hello Alexandre,
Merci pour ce très bon article sur l’importance du choix des mots. D’autant que (d’après Mehrabian)la communication verbale (seulement les mots, donc finalement la seule chose qui reste à l’écrit) ne compte que pour 7% dans la transmission d’un message.
Le champ d’action est assez mince. 😉
Pour moi j’utilise autant que je peux l’image: si quand j’écris un mot, l’image que je m’en fais est claire et précise, en général l’idée perçue rejoints ce que je veux faire passer.
Sinon, parfois je fais aussi comme Zénie: si vraiment je ne trouve pas les mots, alors je laisse décanter quelque temps et j’y reviens plus tard.
🙂
Je suis comme Zeni, je recherche l’intention juste lié aussi avec une pensée dégagée de mes peurs.
@+
bonsoir , je souhaite revenir sur le mot “burn out”. Pour moi dans surchauffe il y a encore possibilité de maîtriser la situation et par exemple baisser le rhéostat de la plaque de cuisson , mais dans burn out il y a “out” : on n’est plus dans le coup,on est hors jeu, on est mort et si guérison on n’est plus le même et on repart sur d’autres bases sinon rechute .
Je pense a une autre situation abordé dans “regimeefficace.net”: la boulimie .La personne est peu être en “surchauffe” ce qui entraîne des pulsions alimentaires parfois destructrices mais cette personne n’est pas en “burn out” car l’estomac plein le phénomène se tasse et la personne finira par aller se coucher , a la différence de l’anorexique qui peut être est ou sera en “burn out”, car l’on sait que la mort rode dans cette pathologie d’ou la nécessité d’enfermer la patiente, je dis bien enfermer . Richard
Pour le coup l’article est très bien écrit, c’était très agréable à lire, tout en étant pertinent.
je ne pensais pas que tu avais la fibre littéraire Alexandre. 😀
Les mots ont une puissance immense quand on les prononce, il ne faut pas les choisir à la légère, ni sous-estimer leur pouvoir.
Je rajouterai quelques petits conseils à ton article:
Tu parles d’amener le lecteur sur notre longueur d’onde. Oui, et c’est à nous de nous adapter au lecteur, pour le convaincre. Ce n’est pas à lui de s’adapter à nous.
Je ne pense pas qu’il soit nécessaire d’utiliser un vocabulaire compliqué, surtout dans le blogging. Même si cela est un plus pour nuancer.
Il ne faut pas être vague, au risque de devenir sans goût, comme tu le dis.
Il faut aussi savoir mettre des détails dans ses écrits.
Merci pour l’article, j’ai bien aimé !
Merci pour cet article très utile et rempli d’information 🙂
J’apprécie en particulier les outils !
Salut Argencel,
Très bon article. Un sujet que j’apprécie beaucoup 😉
Je fais suivre à mes lecteurs, sur Facebook.
Cédric
votre article est très interessant
a mon avis le mot juste depend trop de la clarté et de la précision de nos idées mais surtout de notre intention de communication, de notre état d’esprit.
vous avez souligné d’ailleurs dans votre article les connotations du mots; on emploiera l’une d’elle selon l’intention de communication. C’est la raison pour laquelle, pour un même thème, un même sujet,une même situation on a des discours différents et souvent tous convaincants ou du moins accceptables…..
je vous encourage
Bonjour, merci tout d’abord à avoir publier ce texte, qui ma beaucoup apporter. Pour ma part dans ma tête j’ai pleine d’idées et cela est très dur de pouvoir trouver tous les mots. Quelque fois quand je veux faire quelques choses soit écrire une histoire ou bien faire des activités manuel j’ai une pensée et ensuite cela se bouscule dans ma tête car j’ai d’autres idées qui viennent dans le même domaine. je ne sais plus quoi faire pour y arriver!! j’ai penser que je pouvais prendre des notes et me fixer une idée et éviter de penser a une autre chose… merci pour tous et a plus tard…
Un “sans abri” (ou “sans-abri”) suffira.
😉
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Bonjour,
Je n’ai pas encore atteint ce stade, et je ne peux pas encore donner de conseil dans ce domaine.
Le seul conseil que je donnerai est d’aérer son article. Les lecteurs sont intelligents mais ils ont l’attention d’un enfant de 7 ans.
Très bon article…
Bonjour Alexandre,
Je découvre ton site et suis agréablement surprise par la qualité littéraire de cet article et aussi la longueur.
Tu ne sembles pas avoir de problèmes pour écrire.
C’est effectivement plaisant de se plonger dans la lecture d’un texte soigneusement rédigé.
je suis d’accord avec Julien pour dire que l’écrivain (quelque soit le type d’écrit) doit s’adapter au lecteur.
Dans un texte philosophique, l’intention ne paraît pas toujours clairement et c’est ce qui est en partie intéressant.
Alors que dans le domaine du blog, le lecteur veut directement aller à l’essentiel.
Pour ma part, si trouver le mot juste peut parfois prendre du temps, c’est surtout la conception de l’attaque à savoir la première phrase de l’article qui me pose soucis.
Les idées, les mots sont là, ainsi que les grandes lignes, mais débuter l’article peut me prendre plusieurs heures.